32 | MÉDECINS n° 82 Novembre-décembre 2022
PORTRAIT
L a médecine est une vocation depuis l âge de 6 ans, époque à laquelle je jouais avec les agen- das de papa, qui s appelle André Vacheron. C est l ancien président de l Institut de France. Il a été
l un des grands patrons de la cardiologie à Paris, pré- sident de l Académie de médecine. C est une grande personnalité, mais c était avant tout un soignant. Comme ma mère, médecin généraliste qui travaillait à la RATP et qui était très versée dans le caritatif. Je ne voulais pas être cardiologue pour être la « fille de ». J aimais beaucoup la médecine interne et la gy- nécologie obstétrique. Mais je suis amblyope, donc je ne pouvais pas faire de discipline chirurgicale. J ai alors choisi la médecine cardio-vasculaire et j ai fait mon dernier stage en néphrologie. C était le tout début des prééclampsies et je me suis intéressée à la prise en charge des femmes enceintes hypertendues, à la contraception, puis à la ménopause. C est comme cela que, plus tard, j ai créé la cardio-gynécologie, comme aux États-Unis vingt ans plus tôt. J ai donc mis en place le premier parcours cardio- vasculaire et gynécologique dans les années 2012 au CHU de Lille. Quand nous l avons lancé, les collègues de mon pôle n en voyaient pas l utilité, et il a fallu du temps pour que l idée se fasse. Aujourd hui encore, c est com- pliqué pour une femme de s imposer dans la hiérarchie universitaire médicale.
En apprenant que les maladies cardio-vasculaires concernaient les hommes, la cinquantaine, un peu gros, qui fumaient et étaient stressés, nous avons oublié les femmes. J ai aussi en mémoire deux patientes qui ont été traitées pour des sciatiques alors qu elles avaient une authentique artérite et qui ont dû être ampu- tées, le diagnostic ayant été posé tardivement. Il faut prendre le temps d écouter ses patients. Je m inquiète du fonctionnement actuel de l hôpital public. Il faut redonner du sens à nos métiers de soignants. Il faut aussi s ouvrir et s impliquer dans la médecine du genre. L objet du fonds de dotation « Agir pour le cœur des femmes », que nous avons cofondé avec Thierry Drilhon, dirigeant d entreprise, est de lancer une vraie alerte médico-sociétale sur les maladies cardio- vasculaires : elles tuent 200 femmes par jour, alors que 33 décèdent d un cancer du sein et 2 d un accident de la route. Nous avons lancé en septembre 2021 une campagne natio- nale de dépistage cardio-vasculaire et gynécologique : le « Bus du cœur des femmes ». Cette action a déjà permis de dépister plus de 4 000 femmes, de les re- mettre pour plus de la moitié dans un parcours de soins au sein de leur territoire et de fédérer un écosystème de professionnels de santé et de ville avec l ambition de sauver la vie de 10 000 femmes à 5 ans. »
«
« IL FAUT S OUVRIR À LA MÉDECINE DU GENRE »
PARCOURS
Juin 1982 Première année de médecine à Paris, faculté de Bichat. Mai 1988 Arrive à Lille pour l internat de médecine. Avril 2003 Concours de professeur de médecine. Juin 2011 Présidente de la Fédération française de cardiologie. Février 2020 Création du fonds de dotation « Agir pour le cœur des femmes » avec Thierry Drilhon, dirigeant d entreprise.
Texte : Fanny Napolier | Photo : DR
Cardiologue et médecin vasculaire au CHU de Lille
Pr Claire Mounier-Véhier
+ D INFOS www.agirpourlecoeurdesfemmes.com