n° 82 Novembre-décembre 2022 MÉDECINS | 98 | MÉDECINS n° 82 Novembre-décembre 2022
LE POINT SUR
Texte : Fanny Napolier
Plus d un médecin sur trois ne se considère pas en bonne santé, révèle notamment la dernière enquête menée par la Commission nationale d entraide de l Ordre des médecins sur la santé des médecins. Et ce chiffre est même en augmentation de 9 points par rapport à l étude précédente, réalisée en 2017.
A fin de pouvoir appréhender l état de san- té des médecins et de saisir l évolution de leur santé depuis cinq ans, la Commission nationale d entraide du Cnom a lancé une vaste enquête au printemps dernier. Le
questionnaire, adressé à 126 633 médecins, a été complété par 8 878 d entre eux. Il fait écho à la pre-
ENQUÊTE
L étude a permis de quantifier des choses que l on connaît, parce que nous connaissons le terrain, nous connaissons les médecins. Le fait d avoir des chiffres va permettre à la Commission nationale d entraide et aux commissions départementales d agir plus efficacement. Nous devons aussi mieux faire connaître notre numéro vert. Les médecins en difficulté doivent l appeler. Nous savons que beaucoup de médecins ne vont pas bien. Nous l avons vu pendant la crise sanitaire. Le nombre d appels a fortement augmenté en 2020 et 2021. Les appels concernaient des cabinets qui fermaient, des médecins malades, des remplaçants qui ne trouvaient plus de cabinets où travailler Des gens que l on n aurait jamais eu à aider avant. Aujourd hui, nous ne sommes plus dans l extrême urgence et nous retrouvons un fonctionnement normal.
« Les médecins en difficulté doivent appeler notre numéro vert »
LE POINT DE VUE DE L ORDRE
DR VALÉRIE LACROIX, présidente de la Commission nationale d entraide
STRESS, FATIGUE, SURMENAGE : LA SANTÉ DES MÉDECINS À LA LOUPE
mière étude du genre, menée en 2017, et permet une analyse comparative. En 2022, plus d un tiers des répondants estiment que leur santé est moyenne voire mauvaise, contre 27 % en 2017. Une détérioration qui peut s expliquer par la fréquence élevée des situations stressantes vé- cues dans le cadre de leur activité professionnelle. En effet, 90 % des répondants indiquent avoir vécu une situation stressante au cours des trois derniers mois, et 20 % rencontrent ces situations de stress tous les jours. De nombreux médecins soulignent que leur état de santé a été impacté par la Covid-19 et déplorent une « aggravation de la pression psychologique depuis la Covid-19 » ou encore une « augmentation des situations de souffrance au travail ». Ainsi, les médecins souffrant d épuisement professionnel sont plus nombreux qu il y a cinq ans. Près des deux tiers des répondants déclarent avoir rencontré des signes d épuisement émotionnel en 2022, contre 54 % en 2017.
Malgré tout, un renoncement à suspendre l activité Dans le même temps, la consommation régulière d alcool, de médicaments et de psychotropes a aussi augmenté. Cette santé altérée se traduit aussi par une augmentation des répondants ayant souffert d au moins trois des pathologies citées dans le ques- tionnaire. C est le cas de plus de 38 % d entre eux en 2022 contre 35 % en 2017. Enfin, même si les idées suicidaires concernent moins les répondants qu en 2017, elles touchent encore près d un médecin sur 10. Malgré une santé qui se détériore, les médecins sont plus nombreux à renoncer à suspendre leur activité alors que leur état le justifierait pourtant. Ces renon- cements concernent plus d un médecin sur deux en 2022, contre 46 % en 2017. L impossibilité de se faire remplacer et la désorganisation des services sont les premières raisons avancées par les répondants. Par ailleurs, pour plus de 80 % des répondants, la vie familiale et la vie sociale sont affectées par le rythme de travail. De nombreux médecins soulignent ainsi des « problèmes de temps pour s occuper de sa propre santé et avoir une vie privée épanouie », ou encore une « surcharge de travail entraînant stress et fatigue [et] répercussion moyenne sur la vie privée ». Pour lutter contre l épuisement, le développement de passerelles de requalification ou de reprofessionna- lisation est plébiscité par plus de 80 % des médecins répondants.