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«J e me suis dit qu il n existait que deux domaines où l on vi-

vait de vraies aventures : la marine et l aviation ». Née au pied du Pic Pelé en Auvergne, Dorine n a pas de prédis- position pour les océans, c est donc sur le seul élément lui permettant de s affranchir des trois autres qu elle jette son dévolu dès le plus jeune âge : l air ! Elle imite son père, élève pilote, avec une idée fixe : en faire son métier, s élever plus haut que le Massif Cen- tral. La montagne lui fait payer cher cette impertinence quand, ce jour de mai, elle accroche à son flanc enneigé le Piper dont elle est passagère. Seule rescapée, Dorine ne marche plus.

« Alors, je volerai ». L accident ne lui fait pas renoncer à ses rêves. « Enfant, je dévorais les récits des pionniers dont les exploits finissaient souvent par des accidents. Puisque ma vie commen- çait par un accident, il me restait les exploits à accomplir ». Dès la fin de la rééducation, elle reprend les cours de pilotage sur un avion équipé d un malonnier.

une volonté à toute épreuve Brevetée pilote, Dorine cumule les aventures : aéronautiques, sportives, littéraires, amoureuses aussi. Et la plus grande de toutes : la maternité, quand le Ciel lui envoie une petite Charline. Elle les raconte aujourd hui, avec une joie de vivre communicative, dans son livre Au-dessus des nuages, publié aux éditions Robert Laffont. Sa grande fierté est d avoir fait chan- ger la loi. « Il est hors de question qu un handicapé soit pilote professionnel ! » lui lance un jour un fonctionnaire, alors qu elle présente son projet en public. Déstabilisée, mais tenace, Dorine

s accroche. Elle réalise une mission bénévole de surveillance de feux de forêt, démontrant sa capacité à me- ner à bien des vols professionnels. En 2003, Dominique Bussereau, alors ministre des Transports, signe l arrêté autorisant les personnes handicapées des membres inférieurs à devenir pilotes professionnels, pour le trans- port de fret, la surveillance de feux et même l instruction ! Pari gagné. Clouée au sol, cette fois pour la plus belle des raisons, Dorine fait une pause pour se consacrer à son rôle de maman. Sept ans sans voler, jusqu à ce qu on lui propose de reprendre les commandes pour une démons- tration pendant le Salon du Bourget 2011, le plus exigeant des shows aé- riens ! En trois mois, Dorine revalide sa licence et s entraîne pour le jour J, où elle effectue devant un public conquis des « huit paresseux » aux commandes d un Robin.

un nouveau Défi : HanDivoltige Le meilleur est à venir. À l automne 2014, son ami Guillaume Féral, l un des premiers instructeurs handica- pés, la persuade de s initier à la vol- tige. Ses premières réticences s en- volent avec le Robin à bord duquel elle expérimente quelques figures. « Première boucle, premier tonneau j ai ressenti un plaisir immense ! » Régis Alajouanine et l Amicale de Voltige Aérienne (AVA) réalisent une prouesse technique en concevant, en une semaine, un malonnier pour équi- per un Cap 10, certifié fin octobre. De- puis, Dorine voltige deux fois par se- maine, aux côtés de Romain Vienne, champion du monde de voltige en pla- neur. « Je réalise toute la rigueur d un grand voltigeur. Il m apprend à coor-

Des plateaux de télévision à la une des magazines, elle est sous les projecteurs. Plein Vol vous fait découvrir la vie trépidante de Dorine Bourneton, alias « Mermozette ». À seize ans, un accident d avion la prive de ses jambes. Mais pas de ses ailes, dont une belle plume s est échappée pour écrire un livre où elle se raconte. Son prochain défi : devenir la première handicapée pilote de voltige au monde.

« Avec le combat réussi pour le pilotage

professionnel, nous avons ajouté une page à l histoire de l aviation. »

donner mes gestes, où poser le regard pour trouver les bons repères visuels ». Ce projet, baptisé handivoltige, existe grâce à une chaîne de compétences, réunies au sein de l AVA. « Le pilotage est un plaisir individuel, mais l avia- tion est une aventure collective. Je n y arriverais pas sans ces bénévoles, mon instructeur, les ingénieurs, les sponsors, mon coach sportif » Car si la voltige requiert une excellente condition physique et mentale, on en demande davantage à Dorine. Femme et paraplégique, elle réunit les deux facteurs risquant une tension artérielle trop basse. Avant d être lâchée solo, elle fait donc l objet d une surexpertise médicale et d un entraînement spor- tif de haut niveau. Des précautions nécessaires pour lui permettre de voltiger au Salon du Bourget en juin ! « Je dois faire valider ma présenta- tion par le directeur des vols. Il ne me fera aucun cadeau. Le Bourget, c est la récompense des champions, ça se mérite ! » À la voir rayonner de bonheur, on se dit que c est bien là ce qui cor- respond à sa nature profonde. « Je me sens forte. Avec le combat réussi pour le pilotage professionnel, nous avons ajouté une page à l histoire de l aviation ». Depuis, les grandes dates se succèdent. Récemment décorée de la Légion d honneur, Dorine s est posée à Roissy le 5 mars dernier, un privilège rarement accordé aux pilotes VFR, une pre- mière pour un pilote handicapé. Et demain ? La compétition ? « Pour- quoi pas, si les sponsors suivent ». Quelle que soit l aventure, elle s y lancera avec ce même sourire écla- tant. « Car vivre sans joie, qui peut l imaginer ? » n Pascale Nizet

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