où vient la Red Team, qui associe des auteurs de science-fiction et des experts scientifiques et militaires ?

C est une idée d Emmanuel Chiva, directeur de l Agence de l Innovation de Défense, qui a trouvé intéressant de faire penser des menaces par des personnes extérieures aux armées qui ont des capa- cités de projection dans l avenir et de narration. C est un programme assez atypique, en effet, qui mélange à la fois de la création, de la science-fiction, de la culture, de la haute technicité (en lien avec l Université Paris Sciences et Lettres Université PSL) et puis des officiers des trois armées, de la Direction générale de l armement et de la

Direction générale des relations interna- tionales et de la stratégie. La Red Team pose des questions assez inconvenantes à une Blue Team (les armées) qui est chargée de trouver des réponses. Quatre saisons, en tout, ont été prévues la dernière en 2022. À chaque saison, deux scénarios sont rendus publics. Les autres sont classifiés en raison du degré de menace qu ils contiennent.

Qu est-ce qui intéresse le ministère des Armées dans cette approche prospective ?

L idée, c est de laisser des gens inventer l avenir différemment, sans tabou, avec des méthodes qui ne sont pas celles des armées. Le but n est pas de faire des prospectives à 360°, mais de mettre en lumière quelques points de rupture à l horizon 2060. La Red Team vient perturber les armées avec des problématiques auxquelles elles n au- raient pas pensé.

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Cofondateur de l Innovation DÉFENSE LAB, ce brillant officier est à la tête d une équipe étonnante qui pense les INNOVATIONS DE RUPTURE sans suivre les codes classiques.

Il faut sortir de sa zone de confort

COMMANDANT JEAN-BAPTISTE COLAS

I N T E R V I E W Vos travaux ont-ils donné lieu à des réalisations concrètes ?

Oui, nous avons publié un scénario nommé Chronique d une mort cultu- relle annoncée , imaginant un métaverse dans lequel les gens peuvent vivre ensemble seulement si personne ne dérange autrui quant à ses opinions, sa religion, sa manière de manger ou de percevoir les autres À la suite de ce scénario, le ministère des Armées a lancé le programme Myriade, de préparation à la guerre cognitive. Tous ces sujets réseaux sociaux, manipulation de l infor- mation, deep fake , hacking des cerveaux n avaient pas été pensés jusque-là. Or, il fallait y réfléchir parce que nos compétiteurs, eux, le font.

Ce travail de prospective a-t-il aussi sa place dans le monde de l entreprise ?

Je le pense. Notre démarche est très proche de l open innovation , qui va chercher des méthodes et des tech- nologies en dehors des organisations. Il s agit de donner les clés de la stra- tégie de l entreprise à des personnes qui vont potentiellement inventer des choses, en réfléchissant autrement que ceux qui la connaissent comme les dirigeants, les actionnaires, le comité exécutif, les employés. On voit bien, aujourd hui, que les entreprises sont en quête de sens. Pour que les équipes se sentent intégrées et entraînées dans une action commune qui leur convient, se projeter dans une narration devient important. Mettre la prospective dans la construction d une vision pour l en- treprise est fondamental.

Celle-ci peut-elle voir aussi loin que vous le faites ?

Nous nous inscrivons dans un horizon de quarante ans. Il faut décor- réler deux choses, quand on parle de sens. Il y a ce que l entreprise peut offrir à ses clients et à ses collaborateurs dans un horizon immédiat (d un à cinq ans), et il y a la façon dont l entreprise s intègre dans le monde actuel en termes de

Julien Faure

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EQUITY STORIES #1 2023