ACTUALITÉS
MÉDECINS n° 79 Mai-juin 2022
BAPTISTE BEAULIEU Rencontre avec
À l occasion de sa première édition, la nouvelle rubrique
culture du bulletin met le médecin Baptiste Beaulieu à l honneur.
BAPTISTE BEAULIEU est un médecin généraliste qui a fait ses études et exerce en région toulousaine. Il défend une médecine « humaniste », et s engage contre les discriminations telles que le sexisme, l homophobie et le racisme dans le milieu médical.
C est aussi un romancier très prolifique qui a publié plusieurs romans, BD et recueils de poésie. Il anime tous les lundis matin une chronique sur France Inter.
Qu est-ce qui vous a conduit à l écriture ? J ai toujours aimé lire. Je pense que pour écrire, il faut lire. Les écrivains qui ne lisent pas n existent pas ! C est vraiment par la lecture que je suis venu à l écriture : tout le plaisir que je pouvais ressentir en lisant certains livres m a donné l envie de raconter mes propres histoires, celles que j aimerais lire. Par ailleurs, j adorais, j adore et je pense que j adorerai toujours raconter des histoires, emmener les gens dans mes univers et les surprendre, les faire rire, bref, les émouvoir. C est quelque chose de très jouissif en tant qu écrivain d arriver à tenir les gens dans sa main et d appuyer là où ça fait mal, sourire ou pleurer
Selon vous, la médecine est-elle un art ou une science ? J aurais été beaucoup plus pondéré au- paravant mais depuis la crise de la Covid et au regard du degré d information dont nous disposons collectivement notam- ment par l intermédiaire des réseaux so- ciaux, j aurais plutôt tendance à vouloir ramener la médecine à ce qu elle devrait être avant tout, à savoir une science ou en tout cas l application artistique d un état de connaissances scientifiques.
En tout état de cause, dès qu il y a inte- ractions sociales, échanges entre deux êtres humains, nous sortons du cadre scientifique. Il n en reste pas moins pri- mordial de revenir à la base : appliquer les consensus scientifiques et les don- nées factuelles de la science qui re- posent sur un empirisme. C est ce qui fait la différence entre la médecine et la « recette de grand-père ».
Pour ma part, mon activité de médecin et mes patients ne sont pas ma source d inspiration. Mais ils sont un moteur pour ma pratique artistique. En effet, je crois beaucoup à l écriture sous contrainte. Je m explique : quand j ai envie d écrire et que je ne peux pas pendant plusieurs heures, par exemple quand je suis au ca- binet médical, je suis beaucoup plus pro- ductif et inspiré au moment de la fin de la journée, quand je sors du cabinet. Les conditions de ma « rétention » ont créé un lieu, en tout cas un moment propice au jaillissement de l inspiration. J écris toujours mieux le soir quand je sors du cabinet médical où j ai passé une jour- née à ne pas pouvoir écrire.
Existe-t-il un lien entre art et médecine ? Ce n est pas pour botter en touche mais, selon moi, n importe quel métier, lorsqu il est exercé dans le souci de l autre et à son service, peut être considéré comme du soin. Une avocate qui défend cor- rectement son client dans un dossier lui permet d économiser bien des soucis. Conséquence : elle augmente son es- pérance de vie ! Le plus important, c est vraiment d être dans le soin.
Autre exemple : un coiffeur qui prend soin d un individu qui traverse un moment difficile ou ne se sent pas bien dans sa peau. Le fait d écouter cette personne pendant la coiffure, de la chouchouter, de lui permettre de se trouver belle et de reprendre un peu de confiance en elle, est incroyable. Peu de médecins peuvent se dire capables de la même chose en un quart d heure.
PARCOURS
Depuis 2015 médecin généraliste à Toulouse
5 romans (dont le premier, Alors voilà, publié en 2013 pendant ses études de médecine et le dernier, en 2021, Celle qui attendait)
2 recueils de poésie
Personnellement, je ne crois pas en l écri- vain dans sa tour d ivoire qui parle de la vie des gens sans y être impliqué. Ma pratique médicale me paraît importante pour pou- voir nourrir mon activité d écrivain. J en suis convaincu : le meilleur moyen d être « dans la vie », de faire partie de la vie, c est de soigner ou en tout cas d accompagner les personnes malades dans le soin. Ce sont deux activités qui s enrichissent l une de l autre. Toutefois, je considère qu être médecin, c est mon métier, et romancier, ma passion. J ai de la chance car j arrive à faire les deux. Tant que je gagne, je joue !
Quel(s) enseignement(s) artistique(s) recommanderiez-vous pendant les études de médecine ? Je ne crois pas aux vertus des enseigne- ments imposés. Obliger quelqu un à as- sister à un cours de musique, par exemple, ne va pas faire de cette personne un mé- decin passionné pour autant.
En revanche, pour la médecine, il serait intéressant de proposer un enseigne- ment sur ce qu on appelait autrefois les humanités. Par humanités, j entends une approche certes artistique mais aussi culturelle et sociale de ce qui fabrique le fait humain par excellence, à savoir les interactions entre les individus.
Par ailleurs, je pense qu il faut remettre un peu de philosophie dans les études de médecine. Beaucoup, d ailleurs ! Et de l art
Mais il n est pas évident de proposer un programme pédagogique de méde- cine orienté vers davantage de culture, de social et d art aujourd hui car beau- coup de médecins considèrent que la connaissance de l anatomie humaine et de la physiopathologie suffit pour tout savoir du fonctionnement du genre hu- main. Pourtant, les choses sont telle- ment plus complexes
Être médecin, c est mon métier, et romancier, ma passion. J ai de la chance car j arrive à faire les deux. Tant que je gagne, je joue !