n° 76 Novembre-Décembre 2021 MÉDECINS | 25
TÉMOIGNAGE
PR PIERRE GRAUX Professeur à la faculté libre de médecine et maïeutique de Lille, cardiologie Rythmologue et praticien chef du service cardiologie-soins intensifs.
Q uand j ai débuté en tant que praticien hospitalier (PH) à Lille, les moyens de notre groupe hospitalo-universitaire n étaient pas considérables. J avais besoin d un complément d activité
et de revenus. Je souhaitais aussi progresser, acquérir de nouvelles compétences en auto- nomie, évoluer dans une autre structure. Alors je me suis impliqué dans un centre de santé à Billy-Montigny (62) en tant que salarié dans le cadre du réseau Carmi devenu Filiéris. Cette expérience fut vraiment intéressante : prendre en charge le patient de A à Z, aller à l essentiel, faire des synthèses très rapidement, établir des diagnostics en autonomie, ce n est pas facile à l hôpital, à moins de faire des consultations ou d être systématiquement aux urgences. Et j ai aussi beaucoup appris sur la relation avec les patients : aller vers eux, créer de la confiance, tisser du lien
Je continue de pratiquer ce double exercice une à deux demi-journées par semaine, mais j ai dû réduire cette activité hors hôpital en raison de mes implications, notamment à l hôpital et à l université. Cela dit, j encourage mes jeunes PH à expérimenter ce type de pratique en centres de santé. Pour moi, cela va dans le sens de l éthique du médecin, qui est d être au service de tout type de population, notamment dans des zones appelées maintenant « déserts mé- dicaux » qui peuvent se situer à une demi-heure des grandes métropoles.
En ce qui concerne ma situation actuelle à l hôpital, je suis presque devenu entrepreneur ! Quand j ai récupéré le service de cardiologie il
y a douze ans, il y avait huit PH avec ou sans fonction universitaire. J ai essayé de créer une dynamique, d investir intelligemment dans le matériel et les hommes, de développer les soins, de modifier la taille du service et d être à l équi- libre financièrement Désormais, ce service compte 70 lits et je gère 25 cardiologues et plus de 150 personnes. Ce service, c est une PME !
Cet aspect management est loin d être évident : il faut sans cesse s adapter à la demande des nou- veaux PH, notamment en début de carrière, faire en sorte qu elle/il trouve sa place dans l équipe mais dispose aussi d une possibilité de créer une relation plus personnelle avec les patients dont elle/il se sentira particulièrement responsable. Sauf qu en médecine, on apprend à faire du dia- gnostic, pas à gérer l humain. C est donc un vé- ritable challenge qui, je dois l avouer, me donne beaucoup de satisfactions. Aujourd hui, les PH qui n ont pas de vacations de consultation hors hôpital en demandent : cette capacité, cette vo- lonté à exporter son savoir à distance de l hôpi- tal fait maintenant partie des gènes du service. Cette problématique est d autant plus présente que les locaux de consultation de l hôpital sont saturés (il y a plus de 8 000 consultations de cardiologie par an sur site).
In fine, le chef de service doit, à mon sens, don- ner l exemple et valoriser ces consultations ex- ternes en les limitant toutefois à une vacation par semaine hors hôpital. Ainsi, ces médecins rendent service à la population de leur région tout en donnant l essentiel de leur temps à l hôpital qui est un réel creuset de formation continue.
« CE SERVICE, C EST UNE PME ! »