36 | MÉDECINS n° 76 Novembre-Décembre 2021
PORTRAIT
J e suis née avec une agénésie partielle au niveau du pied gauche et une inégalité de longueur du membre inférieur gauche. C est une malfor- mation de l ensemble de la jambe qui nécessite
un suivi orthopédique. Pendant toute mon enfance et jusqu à l âge adulte, j ai été suivie par le même chirur- gien orthopédique. Je lui faisais confiance, il répon- dait à toutes mes questions, il était un exemple. C est lui qui m a donné envie de faire médecine. D ailleurs, plus jeune, je voulais devenir chirurgien orthopédique. Les plans ont changé entre-temps, mais je suis quand même médecin ! Cette malformation ne m a pas empêchée de faire du sport, au contraire. J ai commencé très tôt, le vélo notamment, grâce à mes parents. Eux n ont pas un ni- veau professionnel mais ils sont très investis et pas- sionnés. Mon chirurgien m a aussi toujours poussée à faire l activité physique que je voulais, sans me limiter. La limite allait arriver plus tard. Petit à petit, le sport est devenu un moyen de m affirmer, de m exprimer et de me défendre. À l école, je voulais vraiment faire comme tout le monde et surtout, ne pas être mise sur le banc de touche. Dans la cour de récréation, je jouais au foot, au basket, au hand En fait, je réglais mes comptes par le sport. C était et c est toujours ma manière de dire : d accord, je ne suis pas faite comme vous, mais j arrive à faire les mêmes choses que vous.
Un peu comme une arme pacifique. Sacrée vocation, n est-ce pas ? Aujourd hui, à 33 ans, je me rends compte que j ai réa- lisé deux rêves : être médecin et faire les Jeux. J ai ga- gné deux médailles de bronze aux Jeux paralympiques de Tokyo cette année. J en suis extrêmement fière et heureuse. Pour moi, la médecine et le sport sont très corrélés : l un ne va pas sans l autre. Et pourtant, à un niveau professionnel, ils sont difficilement compatibles tant l investissement est grand pour les deux disciplines. Alors pour le moment, j ai plutôt la casquette de spor- tive de haut niveau car le vélo demande beaucoup d en- traînement, entre 20 et 25 heures par semaine. Comme j ai des sponsors, je peux me permettre de mettre de côté ma carrière de médecin. Même si bien sûr, je suis médecin parce que j ai mon diplôme. Seulement, je ne pratique pas la médecine de manière régulière : je l en- tretiens et j en ai besoin pour mon équilibre mais je ne peux pas me permettre de m installer. Je fais des rem- placements afin de garder le contact avec les patients et la réflexion intellectuelle. C est trop important pour mon bien-être de maintenir ce lien. La suite, je la vois en cabinet. M installer est un souhait, une envie profonde que j ai depuis plus de deux ans. Je me suis fixé comme limite pour le vélo les JO 2024 à Paris. Après, c est sûr, mon objectif principal sera de pratiquer mon métier de médecin à temps plein ! »
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« J AI RÉALISÉ DEUX RÊVES : ÊTRE MÉDECIN ET FAIRE LES JEUX »
PARCOURS
2007 Rejoint l École du service de santé des armées de Bordeaux. 2018 Devient médecin généraliste remplaçante. Début de la pratique à haut niveau du paracyclisme. 2019 Médaillé de bronze aux Mondiaux handisport. Février 2021 Rejoint l armée des champions, un dispositif qui regroupe une centaine d athlètes rémunérés pour s entraîner. 2021 Doublement médaillée de bronze aux Jeux paralympiques de Tokyo, sur piste et sur route dans la catégorie C4-C5.
Texte : Sophie Wlodarczak | Photo : DR
Médecin généraliste remplaçante à Paris (XIVe arr.), double médaillée de bronze en cyclisme aux Jeux paralympiques de Tokyo (2021)
Dr Marie Patouillet