n° 79 Mai-juin 2022 MÉDECINS | 2726 | MÉDECINS n° 79 Mai-juin 2022
DOSSIER
prise en charge des patients présentant des spé- cificités, et notamment les personnes en situation de handicap ? Plusieurs pistes existent. Celle du travail en équipe pour accompagner un patient. Celle d une meilleure interaction entre sachants scientifiques et profanes. Celle d une formation renforcée à l empathie comme à la prise en charge humaine du patient. Le débat est vaste, toujours d actualité, au cœur de l exercice de la médecine, preuve que 20 ans après, la loi Kouchner n a rien perdu de sa pertinence.
au centre du parcours de soins comme le prévoit « Mon espace santé », ou libérer du temps médical. Car la question du temps médical, dont les méde- cins manquent trop souvent, met aussi la relation médecin-patient à l épreuve. Comment permettre que les décisions soient en fait des codécisions si le temps manque pour en exposer les enjeux ? Comment permettre un compagnonnage réel au- près des médecins en formation quand les temps calmes n existent plus à l hôpital ? Comment dans ce contexte prendre le temps nécessaire à la bonne
« Médecins comme patients basent leur relation sur ce mot. Ils souhaitent dépasser les obstacles contextuels et persévérer dans l application de la loi Kouchner afin que se maintienne la qualité de soins » Rapport de la CORAP
CONFIANCE
PR JOSEPH GLIGOROV, professeur des universités à la Sorbonne, PH en oncologie médicale à l hôpital Tenon (AP-HP)
La médecine n est pas une science. C est une pratique qui se sert des sciences. Il y a des zones grises, des incertitudes, qui se sont exacerbées en période de pandémie. La loi Kouchner a essayé de répondre à ces incertitudes pour baliser le domaine de l acceptable ou de l inacceptable en termes de prise de décision, personnelle, commune, partagée. Cette loi a eu comme mérite d interroger notre marge de décision, qui s est réduite à juste titre. On ne peut pas aujourd hui prendre une décision importante sans engager un débat avec celui qui doit être soigné. La loi est formidable. Le problème, ce sont les moyens qui sont derrière. Si vous devez légitimement prendre plus de temps pour faire les choses, vous ne pouvez pas prendre une décision commune en trois secondes, il faut des moyens. Les nouvelles technologies apportent un plus, mais il faut s en méfier. Dans la relation médecin-patient, il y a aujourd hui un troisième acteur : l écran d ordinateur. Si vous prenez une heure pour faire une consultation, mais que vous passez 45 minutes devant votre écran, ce n est pas la même relation que sans écran. Il y a bien sûr des enjeux organisationnels et économiques, mais il faut être vigilant à ce qu ils ne prennent pas le dessus sur les autres enjeux. Enfin, tant qu on continuera à dire que la santé est un coût plutôt qu une richesse, on ne changera pas de matrice de réflexion. Quand vous avez une richesse, vous la protégez. Quand on vous parle d un coût, soignants et soignés se sentent débiteurs d un système. Et c est une difficulté, notamment pour aller vers plus démocratie en santé.
TÉMOIGNAGE
« On ne peut pas aujourd hui prendre une décision importante sans engager un débat avec celui qui doit être soigné »