n° 82 Novembre-décembre 2022 MÉDECINS | 1514 | MÉDECINS n° 82 Novembre-décembre 2022
RÉFLEXIONS
POURQUOI ÉTAIT-IL NÉCESSAIRE DE RELANCER AUJOURD HUI LE DÉBAT SUR LA FIN DE VIE ?
e ne suis pas certaine qu il serait nécessaire de le réou- vrir si la loi actuelle n était pas aussi mal connue et mal
appliquée. Mais maintenant que la convention citoyenne s apprête à engager ses travaux, c est à nous d en faire un moment qui soit utile à notre démocratie et à la réflexion collective. Les craintes sur la fin de vie sont une préoccupation qui doit s entendre. La loi actuelle ne répond pas à la question des gens qui veulent mourir. On ne pourra pas l ignorer et il ne faut pas l igno- rer, ça ne doit pas être un tabou. Mais il faut que ce soit un débat intelligent et respectueux de tous, y compris des soignants. C est indispensable que la parole des soignants soit écoutée, en particulier celle des acteurs des soins palliatifs. Je vou- drais dire et redire que la très grande majorité des patients nous demandent de l aide pour vivre, pas pour mourir ; le fait d être accompa- gné et soulagé fait disparaître la quasi-totalité des demandes d euthanasie.
es questions relatives à la mort restent encore taboues en France. La crise Covid a sorti la fin
de vie de la sphère de l intime pour la projeter dans un cadre collectif et visible : de nombreuses personnes décédées n ont pu être accompa- gnées par leurs proches, lesquels n ont souvent pas pu organiser les funérailles. Le Comité consultatif national d éthique a rendu public son avis et beaucoup de Français s in- terrogent sur la mort. Il est donc essentiel d aborder le sujet, en veil- lant notamment à mieux faire connaître les soins palliatifs et à une véritable appréhension des droits ouverts par la loi Claeys-Leonetti. Ce sont des sujets complexes, parce qu ils s accompagnent d émotions diverses, qui seront susceptibles, au cours du débat, de susciter des craintes et mécanismes de protec- tion. Toutefois, ces tensions éven- tuelles, qui concernent tout un cha- cun, ne doivent pas faire oublier l attention, la solidarité, que nous devons aux plus vulnérables.
ême si elle n est plus taboue dans notre société, la question de la fin de vie demeure des
plus complexes, mêlant l intime, la médecine et la morale collective. C est un sujet qui ne saurait être évacué par une seule loi. À ce titre je me réjouis de la tenue de la grande consultation, qui va per- mettre de donner la parole aux citoyens, aux acteurs du système de santé et aux représentants de l ensemble des courants de pen- sée. Dans cette perspective, les travaux du CCNE permettront de donner des éléments de repère en explorant en particulier l articula- tion entre les principes de dignité, de solidarité envers les plus fragiles et de respect de l autonomie de la personne. Des débats seront mis en place également sur tous les territoires par le biais des espaces éthiques régionaux.
J L M
Jean-François DelfraissyClaire
Fourcade Agnès Firmin Le Bodo
ouverture du débat me semble indispensable. Ne serait-ce que parce que nous avons là une possibilité offerte de faire de la pédagogie sur les lois existantes, qui font encore l objet de nombreuses interprétations pour le moins fantaisistes. Je crois surtout que le principal enjeu est de poser plus en profondeur la ques-
tion de la fin de vie. Pour l heure, force est de constater que les discussions se limitent peu ou prou à « oui ou non le suicide assisté ». D abord, cette question est un arbre qui cache la forêt, qui ne concerne finalement qu une proportion infime de personnes. Ça ne veut pas dire qu il ne faut pas la poser, bien entendu. Mais personnellement, je pense que la légalisation de l euthanasie et le suicide assisté seraient une transgression majeure pour notre société. Je pense par ailleurs qu il faut profiter de ce temps de discussions pour élargir les questionne- ments en replaçant le sujet dans le champ plus large de la vulnérabilité, du grand âge, de la dépendance et du handicap
LJean Leonetti