n° 82 Novembre-décembre 2022 MÉDECINS | 1918 | MÉDECINS n° 82 Novembre-décembre 2022
D écembre 2020 : la Chambre disciplinaire de première instance de l Ordre des médecins de la région Auvergne-Rhône-Alpes, saisie par le Cnom, prononce la radiation du ta- bleau de l ordre d un médecin généraliste
qui prétendait guérir l autisme à l aide de médica- ments homéopathiques. Octobre 2021 : le tribunal correctionnel de Paris condamne à deux ans de prison avec sursis un na- turopathe pour usurpation de la qualité de médecin et exercice illégal de la médecine. Deux de ses pa- tients, atteints d un cancer, sont morts en suivant ses recommandations. Le parquet a estimé qu ils avaient été privés d une chance de survie. Le point commun de ces affaires ? Il s agit dans les deux cas de dérives thérapeutiques. « On parle
de dérive thérapeutique pour désigner, d une part, les médecins dont les prescriptions ne sont pas conformes aux données acquises de la science. Le code de déontologie médicale rappelle que si
le médecin est libre de ses prescriptions, il ne peut proposer de traitement insuffisamment éprouvé ou illusoire. D autre part, la dérive thérapeutique concerne également les non-médecins qui se livrent à l exercice illégal de la médecine, caractérisé par l établissement d un diagnostic et une proposition de traitement, comme le spécifie l article L. 4161.1 du code la santé publique », explique le Dr Claire Siret, présidente de la section Santé publique du Cnom.
Les PNCAVT Si le cadre juridique est clair, ces dérives prospèrent néanmoins dans les zones de flou qui séparent la santé du bien-être, les prises en charge classiques des pratiques non conventionnelles à visée théra- peutique (PNCAVT). « Celles-ci peuvent tout à fait légitimement constituer un outil pour un médecin lorsqu elles reposent sur un diplôme interuniversi- taire (DIU) autorisé par le Cnom », indique le Dr Siret. De fait, trois DIU peuvent figurer sur les plaques et ordonnances : l acupuncture, la mésothérapie
« LES POSITIONS DU CNOM ÉVOLUENT »
et l ostéopathie. « Les positions du Cnom évoluent, et nous réévaluons régulièrement les diplômes qui ouvrent un droit au titre », précise la présidente de la section Santé publique. Ainsi, par exemple, en oc- tobre 2019, le Cnom décidait de mettre fin au titre actuel d homéopathe pour les futurs médecins. La prescription de ces pratiques non conventionnelles par des médecins constitue-t-elle pour autant une dérive ? Le Pr Bruno Falissard, psychiatre et professeur de santé publique, a conduit, pour l Inserm, les revues de littérature médicale et scientifique pour éva- luer ces pratiques de soins. Sa position est claire : « Efficaces ou non, ces soins complémentaires ont trouvé une place dans le monde de la médecine académique. Les patients y recourent largement, des centres de lutte contre le cancer proposent ces pratiques non conventionnelles aux côtés des traitements antitumoraux dans la prise en charge d un cancer. Au-delà de la question de la confor- mité de ces soins aux données de la science, il faut regarder, au cas par cas, s ils apportent ou non un mieux-être. » Le Dr Marc Baillargeat, médecin gé- néraliste et président d Ostéos de France, syndicat professionnel des médecins ostéopathes français, abonde : « L ostéopathie a parfaitement sa place
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