n° 82 Novembre-décembre 2022 MÉDECINS | 2322 | MÉDECINS n° 82 Novembre-décembre 2022
avec à la clé une perte de chance pour les patients et un risque d emprise mentale », dénonce Samir Khalfaoui, conseiller santé à la Miviludes depuis plus d une douzaine d années. « J ai le sentiment que ces pratiques gagnent du terrain. Quand des professionnels de santé deviennent perméables à des discours dénués de tout fondement scien- tifique ou prescrivent des traitements farfelus ou dangereux, ils se font généralement recadrer par leurs instances ordinales. Mais les multiples déra- peutes passent le plus souvent entre les mailles du filet alors même qu Internet amplifie leur pro- pagande au service des dérives sectaires en ma- tière de santé », déplore-t-il. Sa collègue Chantal Gatignol, conseillère santé à la Miviludes, tempère le propos : « Le fait que les médecins soient plus ou- verts aux pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique leur permet de maintenir le dialogue avec les patients et d être mieux à même d identi- fier les dérives. »
Les recours En cas de dérive thérapeutique, assortie ou non d une dérive sectaire, tout particulier, tout méde- cin, tout conseil départemental de l Ordre, peut porter plainte contre un médecin devant le Conseil de l Ordre. L Ordre des médecins peut aussi être saisi en cas de dérive d un non-médecin dans le
La Miviludes dénombre 1 800 structures d enseignement ou de formation « à risques » dans le domaine de la santé.
1 800
DOSSIER
CHANTAL GATIGNOL ET SAMIR KHALFAOUI, conseillers santé à la Miviludes
Nous manquons d outils spécifiques pour chiffrer rigoureusement le phénomène, mais on estime généralement que 4 Français sur 10 ont recours aux médecines dites alternatives. Les pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique se banalisent, portées par les médias mais aussi, parfois par les professionnels de santé eux-mêmes. Pour ces derniers, en cas de dérive, les sanctions tombent. Et nous échangeons plusieurs fois par semaine avec les instances ordinales. Mais les thérapeutes autoproclamés qui abusent des patients les plus vulnérables bénéficient d une quasi-impunité. Nous n avons pas les moyens de nos politiques. En 2020, les dérives sectaires dans le domaine de la santé représentaient près de 40 % de l ensemble des signalements reçus à la Miviludes, contre 25 % il y a dix ans. Notre métier n est pas d être le gendarme des pratiques de soins, nous n avons pas à juger les techniques utilisées mais à définir le danger d emprise mentale. Le développement d un marché parallèle de la santé accroît ce risque.
TÉMOIGNAGE
« Nous n avons pas les moyens de nos politiques »
cadre d un exercice illégal : un signalement sera alors adressé au Procureur de la République en ap- plication des dispositions de l article 40 du code de procédure pénale. C est uniquement dans les cas de dérives sectaires, que la MIVILUDES est alors saisie du dossier. Enfin, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la ré- pression des fraudes (DGCCRF) lance régulière- ment des opérations de contrôles. Entre octobre 2021 et septembre 2022, elle a ainsi contrôlé 381 professionnels et centre de formation d une cin- quantaine de disciplines, allant de la naturopa- thie à la géobiologie. 66 % des activités contrô- lées n étaient pas conformes à la réglementation. Deux tiers des procès-verbaux concernaient des pratiques commerciales trompeuses et plusieurs signalements pour exercice illégal de la médecine et usurpation de titre ont été faits aux autorités compétentes. Chaque année, les tribunaux correc- tionnels condamnent des charlatans pour homicide involontaire, non-assistance à personne en danger, risque causé à autrui, escroquerie, exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie, abus fraudu- leux de l état de faiblesse Mais la réponse aux dérives thérapeutiques ne peut être que judiciaire, la relation de confiance, unique, qui existe entre le médecin et son patient, est la meilleure garantie d une médecine de qualité.