n° 74 Juillet-Août 2021 MÉDECINS | 3332 | MÉDECINS n° 74 Juillet-Août 2021
Lutter contre les dérives sectaires
Le Conseil national de l Ordre des médecins (Cnom) vient d intégrer le conseil d orientation de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre
les dérives sectaires (Miviludes) dans sa nouvelle composition afin de développer des outils pour mieux lutter contre ce phénomène. Le domaine de la santé
a représenté en 2020 40 % de l ensemble des interrogations ou signalements reçus à la Miviludes, avec 140 000 victimes dont 90 000 mineurs.
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C A S P R A T I Q U E
Donner une définition précise des dérives sec- taire n est pas simple tant ces pratiques sont multiples et protéiformes. Selon la Mission inter- ministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), une dérive sectaire constitue un « dévoiement de la liberté de pen- sée, d opinion ou de religion qui porte atteinte à l ordre public, aux lois ou aux règlements, aux droits fondamentaux, à la sécurité ou à l inté- grité des personnes ». Elles se caractérisent par une emprise psychologique ou physique de la personne, la privant d une partie de son libre ar- bitre, et pouvant conduire à une désocialisation, un isolement, un détournement des traitements conventionnels prescrits par un médecin, avec des conséquences dommageables pour lui, son entourage ou la société. La définition de la dé- rive sectaire ne peut pas se limiter à un cata- logue de pratiques, même si certaines sont par- ticulièrement suspectes, car c est l usage qui en est fait qui va constituer la pratique sectaire. Certaines pratiques liées aux soins ou au bien- être peuvent servir de base pour des dérives sectaires. Dans le contexte actuel de pandémie qui favorise les théories complotistes, et grâce à Internet qui peut offrir une tribune et une caisse de résonance très importantes à certains « gou- rous », ces dérives sectaires connaissent au- jourd hui une croissance importante.
Un patient en difficulté qui souhaite arrêter les thérapeutiques classiques ou qui suit exclusive-ment des thérapeutiques non conventionnelles ; un enfant qui n a jamais été vacciné depuis sa naissance ; la modification des habitudes ves-timentaires ou alimentaires d un patient ; un re-fus de soins ou de médicaments régulièrement prescrits ; une forte désocialisation sont autant d indicateurs. Les patients atteints de maladies graves, comme les cancers, ou de maladies chro-niques constituent des cibles de choix pour les mouvements sectaires. Beaucoup de dérives sec-taires concernent des mineurs, soit indirectement à travers leur famille, soit directement : le désar- roi de parents d enfants autistes, hyperactifs ou confrontés à des retards ou à des inadaptations au milieu scolaire est en effet un bon « terrain » pour certaines organisations.
Si vous suspectez ou avez la conviction d une dérive sectaire et considérez que votre patient a subi des violences physiques ou psychiques, vous pouvez saisir le procureur de la République territo-rialement compétent, même sans l accord du pa-tient. Si votre patient encourt un danger du fait du recours à des méthodes thérapeutiques non
DR BRUNO BOYER, président de la section Santé publique du Cnom